mercredi 30 septembre 2015

La place du Martinisme dans l’histoire et dans la tradition

 


Article paru sur internet


Cet article sur le Martinisme, courant encore très vivant de l’Illuminisme Chrétien, a été transmis par Yves-Fred

Boisset, rédacteur en chef de la revue trimestrielle l’Initiation. La revue l’Initiation, créée en octobre 1888 par

Papus (Dr Gérard Encausse) a cessé de paraître en 1914 pour réapparaître en 1953 grâce à son fils, Philippe

Encausse dont Yves Fred Boisset a poursuivi l’oeuvre et assuré la continuité.



Contrairement à ce que pourrait laisser croire un examen trop superficiel de la question, le martinisme n’est pas

un phénomène surgi du néant mais, bien au contraire, il plonge ses racines aux sources mêmes de ce que

j’appellerais volontiers le noyau ardent de la tradition occidentale chrétienne. Le christianisme éclairé auquel le

martinisme se rattache est issu de la rencontre entre l’hellénisme platonicien et pythagoricien et le judaïsme

initiatique.

La gnose néo-platonicienne des premiers siècles de l’ère chrétienne a produit une masse d’enseignements

ésotériques qui valurent moultes ennuis à leurs auteurs (souvent soupçonnés d’hérésie) mais qui nous ont légué

un ensemble de réflexions propres à construire le merveilleux édifice de la connaissance mystique la plus pure et

la plus approfondie.

Sur ce tronc commun sont venus se greffer les grands courants de la pensée ésotérique qui jalonnent l’histoire

du christianisme : hermétisme du Moyen Âge, rosicrucianisme de la Renaissance, illuminisme du XVIIIe siècle,

sans oublier les voies parallèles de l’alchimie et de la kabbale, les uns et les autres s’enrichissant mutuellement

de leurs travaux et de leurs découvertes.

On sait qu’à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles, le rosicrucianisme, né en Allemagne autour des années

1610 et 1620, fut introduit dans la franc-maçonnerie naissante sous sa forme philosophique. Cette opération se

déroula en Angleterre sous l’influence de quelques héritiers du rosicrucianisme : Bacon, Fludd, Ashmole… De

cette fusion naquirent, au fil des temps et au gré des réformes, apports et autres péripéties, les rites complexes

et un tantinet fourre-tout qui font des hauts-grades de la maçonnerie dite spéculative, mais que,

personnellement, je préfère appeler philosophique, une sorte de kaléidoscope certes brillant mais parfois teinté

de ridicule en raison des titres ronflants que se donnent ceux qui les détiennent.

Au début du XVIIe siècle le rosicrucianisme, fondé sur la légende de Christian Rozenkreutz, sur ses « Noces

chymiques » et sur les allégations religieuses et morales exposées dans la « Fama fraternitatis » et la «

Confessio », s’il n’eut jamais de structures formelles, fit de nombreux adeptes principalement dans l’Europe du

Nord et, par voie de conséquence, dans son prolongement qu’est l’Amérique anglo-saxonne. Ce rosicrucianisme

pourrait être comparé à un laboratoire vers lequel ont convergé les différents courants de la pensée traditionnelle

et duquel ont, après filtrage, jailli divers mouvements initiatiques telle que la franc-maçonnerie philosophique,

comme nous l’avons vu plus haut, l’illuminisme du XVIIIe siècle, et, dans un autre ordre d’idées, le romantisme.

C’est sur le terrain de l’illuminisme que germera, à travers toute une série d’événements que je vais évoquer à

présent, le martinisme potentiel.


L’origine du martinisme



Si je parle de martinisme potentiel, c’est parce que, avant toute autre considération, je désire établir la

distinction fondamentale qui existe historiquement entre le martinisme du XVIIIe siècle et de ses pionniers que

je vais présenter à présent et celui fondé par Papus en 1891.

Trois hommes sont à l’origine du martinisme : Martinez de Pasqually, Louis-Claude de Saint-Martin et Jean-

Baptiste Willermoz.


Martinez de Pasqually



Le premier des trois fut un homme des plus mystérieux. On ne sait de lui que peu de choses et toutes sortes de

légendes ont couru quant à ses origines, à sa naissance, à sa religion, à sa carrière. Même les diverses

orthographes de son nom patronymique et de son prénom sont de nature à brouiller les pistes quant à sa

véritable nationalité. Il apparaît en la ville de Bordeaux en 1767 ; il a auparavant accompli un grand périple qui

l’a emmené de Paris à Bordeaux en passant par Amboise, Blois, Tours, Poitiers, La Rochelle, Rochefort, Saintes et

Blaye. Il avait fondé l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Cohen de l’Univers et la vocation de cet Ordre était

double : la mise en pratique d’opérations théurgiques et la remise dans le droit chemin initiatique de la francmaçonnerie

française qui, perdant de vue ses racines traditionnelles, s’engluait déjà dans des marécages

politiciens où elle n’avait rien à faire. Il s’agissait vraisemblablement dans l’esprit de Martinès de créer un

système de hauts-grades maçonniques souché sur des loges dites bleues, c’est-à-dire limitées aux trois premiers

grades. Martinez mourut le 20 septembre 1774 à Port-au-Prince où il était venu deux ans plus tôt dans le but,

dit-on, d’y récupérer un héritage. Il ne laissera qu’un ouvrage : « Traité sur la Réintégration des Êtres dans leur

première propriété, vertu et puissance spirituelle divine ». Avec le « Tableau naturel des rapports qui existent

entre Dieu, l’homme et l’univers » de Louis-Claude de Saint-Martin, cet ouvrage de Martinez de Pasqually

constitue l’un des deux piliers de la tradition martiniste.


Louis-Claude de Saint-Martin



Louis-Claude de Saint-Martin (surnommé le « Philosophe Inconnu ») se fit d’abord connaître comme secrétaire

de Martinez de Pasqually qui n’avait, paraît-il, qu’une idée très approximative des nuances de la langue française.

Titulaire d’un titre de noblesse et ancien officier d’un régiment basé à Foix (Ariège), sa rencontre avec Martinez

le poussa à quitter l’armée pour se consacrer à sa mission, c’est-à-dire à l’élaboration de la doctrine martiniste

sous l’éclairage de la tradition occidentale chrétienne. Il s’éloignera peu à peu de Martinez et de ses opérations

pour se tourner vers ce que Papus appellera plus tard la voie cardiaque. Outre l’ouvrage doctrinal cité plus haut,

il laissera une importante bibliographie qui fait encore autorité de nos jours. Malgré ses origines nobiliaires, il

échappa à la guillotine révolutionnaire et mourut en 1803, âgé de soixante ans.


Jean-Baptiste Willermoz



Le troisième personnage de ce triptyque, c’est Jean-Baptiste Willermoz. Ce commerçant lyonnais devint francmaçon

très jeune et consacra à l’Ordre maçonnique le meilleur de sa vie et de son activité. Déçu par le manque

d’intérêt que ses frères de loge manifestaient à l’égard de la tradition, il oeuvra inlassablement dans le but de

redonner à l’ordre les couleurs initiatiques dont il n’aurait jamais dû se départir. Il réussit ce tour de force de

réunir des traditions chevaleresques germaniques et les enseignements de Martinez de Pasqually et de Saint-

Martin en un régime maçonnique qu’il fonda et dont il établit les règles, les rituels et les usages à partir de 1778

au cours de deux convents où il parvint à imposer ses idées et ses idéaux. Retiré de ses diverses activités pour

cause de révolution, il mourra en 1824 à l’âge de… quatre-vingt quatorze ans.


Joseph de Maistre



À ces trois personnages déterminants dans l’histoire du martinisme, il y a lieu de mentionner une quatrième

personnalité qui fut, en quelque sorte, l’ambassadeur de la pensée saint-martinienne et maçonnique

traditionnelle auprès de la Cour de Russie où il voyagea plusieurs fois et devint un familier de la Grande

Catherine. J’ai nommé l’écrivain Joseph de Maistre.


Gérard Encausse (Papus)




Bien qu’il ne fondât jamais d’école ni de société ou d’ordre initiatique, la pensée et l’enseignement de Louis-

Claude de Saint-Martin eurent des disciples et, ainsi, se propagea discrètement jusqu’à l’arrivée de Papus. Celuici,

tout en poursuivant des études de médecine, se passionna très tôt pour toutes les choses de la tradition. Bien

qu’il eût exploré toutes les pistes de l’ésotérisme et tenté d’en faire la synthèse dans ses premiers ouvrages, il

accorda une priorité à l’oeuvre et à l’enseignement de Martinez de Pasqually et de Louis-Claude de Saint-Martin.

C’est ainsi qu’en 1888, à l’âge de vingt-trois ans, il créa «l’Initiation», revue mensuelle d’ésotérisme, et en 1891,

à l’âge de vingt-six ans, il fonda l’Ordre martiniste dont la vocation était essentiellement de propager la pensée

saint-martinienne enrichie des autres recherches traditionnelles. Autour de Papus, on retrouvait quelques noms

prestigieux, tels que ceux de Paul Adam, de Stanislas de Guaita, de Joséphin Péladan, de Sédir, de Marc Haven et

de Maurice Barrès qui démissionnera peu de temps après la fondation de l’Ordre pour mieux se consacrer à sa

carrière littéraire et politique.

Sous l’impulsion dynamique de Papus qui ne se reposait jamais – il déclarera un jour que « l’on se repose d’un

travail en en faisant un autre » et je crois qu’il avait bien raison – , le martinisme, désormais structuré et

organisé, connut une grande et rapide expansion. Des groupes de travail s’ouvrirent en France comme dans les

autres pays et on peut affirmer que, si Martinez de Pasqually et, plus sûrement encore, Saint-Martin lui

donnèrent une âme, c’est à Papus qu’il revint de lui donner un corps sans lequel aucune âme ne peut se

manifester.

Papus mourut le 25 octobre 1916 des suites d’une pneumonie contractée à la guerre où il avait été mobilisé en

qualité de médecin. Avec ce départ prématuré (il n’était âgé que de cinquante et un ans), s’arrêta la parution de

«l’Initiation» et l’Ordre martiniste subit quelques scissions. Les successeurs directs de Papus furent d’abord Teder

(Charles Détré) qui ne devait lui survivre que deux ans, puis Jean Bricaud qui décédera en 1934, Constant

Chevillon (auteur du « Vrai visage de la franc-maçonnerie ») qui sera assassiné à Lyon dans des circonstances

pour le moins mystérieuses et pas éclaircies à ce jour en 1944, Charles-Henri Dupont qui nous quittera en 1960.

À cette époque, l’Ordre martiniste n’avait qu’une activité quasi confidentielle ; c’est au fils de Papus qu’il

appartiendra de lui donner un nouvel essor.


Philippe Encausse



Papus avait un fils, Philippe (filleul de Monsieur Philippe de Lyon). Ce fils n’avait que dix ans à la mort de son

père et ce fut Marc Haven (le docteur Lalande), gendre de Monsieur Philippe, qui assura son éducation et le suivi

de ses études jusqu’au doctorat de médecine. En 1953, Philippe Encausse, alors âgé de trente-sept ans, réveilla

la revue «l’Initiation» qui, depuis, paraît trimestriellement sans interruption. Sa rencontre précédente avec

Robert Ambelain, Grand-Maître des Élus-Cohen, l’avait conduit à réveiller l’Ordre martiniste selon les vues de son

père Papus. En 1960, il devint Président de l’Ordre martiniste, succédant ainsi à Charles-Henri Dupont qui le

reconnut et lui transmit rituellement et administrativement sa succession. Plus tard (en1971), il sera remplacé

pour un court laps de temps par Irénée Séguret, puis par Emilio Lorenzo qui exerce toujours cette présidence.

Philippe nous a quittés le 22 juillet 1984. Son souvenir est immortel, tous ceux qui l’on approché ont gardé de lui

la mémoire d’un homme décidé, volontaire (et pas velléitaire, importante nuance !), généreux et fidèle en amitié.

C’est en hommage permanent à Papus et à Philippe que je m’efforce de maintenir la revue «l’Initiation»,

remplissant cette tâche avec la foi et la discrétion qui sont les qualités premières de tout martiniste.


Ordres et désordres (scissions)




J’ai dit plus haut que Pasqually et Saint-Martin avaient donné une âme au martinisme et que Papus l’avait doté

d’un corps. Or, s’il est vrai que les âmes, par leur privilège d’immortalité, échappent au tourment des

dissensions, des jalousies, des ambitions, il n’en est jamais ainsi des corps qui ne sont que passagers. Aussi, au

fil des temps et selon l’humeur des uns et des autres, l’unité se défit et des branches poussèrent sur le tronc

commun. Dès 1922, Victor Blanchard fonda l’Ordre Martiniste Synarchique (O.M.S.), dirigé plus tard par Louis

Bentin, ressortissant français vivant en Angleterre. En 1975, une patente fut délivrée à Sâr Affectator, martiniste

français. En 1931, Augustin Chaboseau fonda l’Ordre Martiniste Traditionnel (O.M.T.) et, en 1948, Jules Boucher

créa l’Ordre Martiniste Rectifié. En 1968, sous l’impulsion de Robert Ambelain, fut créé l’Ordre Martiniste

Initiatique (O.M.I.), souché sur la maçonnerie de Memphis-Misraïm. On pourrait également évoquer des scissions

plus récentes du tronc commun qu’est l’Ordre martiniste, présidé, comme nous l’avons vu, par Emilio Lorenzo,

successeur de Philippe Encausse : l’Ordre Martiniste Libéral (O.M.L.) qui lui même a connu une scission qui

déboucha sur l’Ordre Martiniste des Supérieurs Inconnus (O.M.S.I.).


Initiateur libre



En dehors et à-côté de ces multiples organisations, il existe le statut d’initiateur libre. Ceux qui possèdent cette

qualité transmettent l’initiation en leur âme et conscience aux postulants qui leur semblent dignes de la

recevoir ; ils n’ont de compte à rendre à aucune autorité.

Je ne sais, en vérité, si l’on doit déplorer cette balkanisation du martinisme ou s’en réjouir selon que l’on veut y

voir une source d’appauvrissement ou une source d’enrichissement. Quoi qu’il en soit, le martinisme est UN en

cela qu’il véhicule une forme de mysticisme particulier qui est commun à toutes les formes qu’il revêt

actuellement.


Ce que n’est pas le martinisme



Parvenu à ce point de mon propos, il me semble indispensable de faire quelques mises au point afin que ne

subsiste aucune ambiguïté.

Le martinisme n’est pas une secte

En premier lieu, il faut déclarer haut et fort que le martinisme n’est pas une secte pour la simple raison que l’on

ne demande pas d’argent aux adhérents (hormis une participation raisonnable aux frais de fonctionnement,

celle-ci étant fixée collégialement), que l’on n’y impose pas une doctrine et une pensée unique, qu’on y laisse

libre les membres de poursuivre leur vie privée (conjugale, familiale et professionnelle) en toute liberté, étant

bien entendu que ce sont précisément ces méthodes financières, intellectuelles et morales ci-dessus dénoncées

qui caractérisent les sectes et les font reconnaître par les gens libres et avertis. Aucune des enquêtes officielles

qui ont été menées en France (par l’Assemblée nationale, entre autres) sur les sectes n’a classé le martinisme au

nombre de celles-ci.

Le martinisme n’est pas une forme de franc-maçonnerie

En second lieu, il y a lieu de corriger une confusion fréquente qui voudrait assimiler le martinisme à une forme de

franc-maçonnerie. Le martinisme n’est pas une obédience maçonnique et il est absolument indépendant de toute

organisation maçonnique, même s’il entretient généralement d’excellentes relations avec les obédiences qui

pratiquent une maçonnerie initiatique, c’est-à-dire empreinte de la pensée traditionnelle telle que je l’ai définie

au début de cet article. Il y a incontestablement convergence de vues entre les maçons respectueux de la

tradition mystique et les martinistes, sachant que la double appartenance est fréquente. De plus, et j’ajoute ceci

pour répondre à certaines accusations qui ont traîné et traînent encore de ci, de là, le martinisme n’est en aucun

cas une copie de la franc-maçonnerie, même si, dans ses structures et son système hiérarchique, il semble s’en

rapprocher.

Le martinisme entretient des relations privilégiées avec le Régime Écossais Rectifié pour les raisons

précédemment exposées et qui ont voulu que Saint-Martin et Willermoz fissent un bout de chemin ensemble ; la

pensée martiniste survit également dans de nombreuses loges de cette maçonnerie particulière pratiquée

presque exclusivement en France et en Suisse. De nos jours, la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra

et, plus particulièrement, la loge « la France », sont animées par un esprit martiniste sans pour autant renier

leur appartenance à l’Ordre des francs-maçons. De même, certaines loges de la Grande Loge de Memphis-

Misraïm, dont Robert Ambelain fut le réveilleur et le Grand-maître, est très proche de l’Ordre Martiniste

Initiatique, fondé en 1968 à l’initiative de frères maçons de cette obédience.

Le martinisme n’est pas une église

En troisième lieu, le martinisme, s’il proclame son attachement au Christ et sa fidélité au christianisme non

confessionnel, ne saurait être assimilé à une Église. Tous les membres de l’Ordre demeurent libres de pratiquer

la religion chrétienne de leur choix ou de n’en pratiquer aucune. Le fait que le martinisme ait toujours entretenu

d’étroites relations avec l’Église Gnostique Universelle (fondée par l’abbé Julio et au sein de laquelle certains

membres éminents du martinisme exercèrent des fonctions sacerdotales) ne met nullement en cause

l’indépendance réciproque de ces deux organisations.


Organisation : Les 5 grades martinistes



L’Ordre martiniste, tel que l’a conçu Papus, se partage en plusieurs grades, chacun d’entre eux donnant lieu à

une cérémonie rituelle au cours de laquelle est dispensée une initiation. On y est d’abord reçu au premier grade

en qualité d’Associé, qualité indispensable pour assister aux réunions rituelles. Puis, si le nouveau martiniste

persiste dans son intérêt pour l’Ordre et s’il en est jugé digne, on lui confère le deuxième grade d’Associé-Initié.

Enfin, il peut atteindre le troisième grade de Supérieur Inconnu qui lui donne la plénitude de l’initiation

martiniste. Un quatrième grade, dit de Supérieur Inconnu Initiateur, est délivré à ceux qui seront appelés à

diriger un groupe ou un chapitre – La terminologie varie selon les ordres – et à recevoir à leur tour des

impétrants. Au-delà, il existe des Grands Initiateurs ou des Philosophes Inconnus (les deux expressions sont

équivalentes) appelés à des fonctions plus importantes.

Chaque grade donne accès à un enseignement qui lui est propre et la décoration du local où l’on se réunit

comme celle des membres change à chaque grade, demeurant cependant toujours bien plus sobre que celle des

loges maçonniques et des frères qui y siègent.

Chaque groupe ou chapitre est dirigé par un membre ayant la qualité de Supérieur Inconnu Initiateur ; il est

assisté par un collège d’officiers qui l’aident particulièrement dans les cérémonies de réception. Cependant, il ne

faut jamais perdre de vue que l’initiation martiniste ne se fait que d’initiateur à récipiendaire et qu’elle peut être

aussi valablement transmise en l’absence de tout témoin.

L’ordre est mixte et ouvert à tous ceux qui en manifestent la volonté sous réserve de l’opinion que les Supérieurs

Inconnus du groupe ou du chapitre peuvent se faire du candidat au cours d’entretiens préalables. Il fut

cependant une époque où la qualité de maître maçon était requise mais cette règle ne subsiste plus que dans

quelques organisations. Ni le niveau d’études, ni la position sociale, ni tout autre critère extérieur à la vie

initiatique ne peut être pris en considération pour l’acceptation ou le refus d’un nouveau membre. Seul, le DÉSIR

dans l’acception saint-martinienne de ce mot (que je vais tenter de définir dans la dernière partie de cet article)

peut faire d’un profane un martiniste et c’est devant sa conscience et sa conscience seule qu’il doit en répondre.


Le DÉSIR et l’Homme de désir



Le DÉSIR, voilà le maître mot du martinisme. Le martiniste est un Homme de désir. L’Homme de Désir s’oppose à

l’Homme du Torrent. Entre les deux, il y a la chute et le lent processus de la réintégration. L’homme s’étant

séparé de Dieu, de la Lumière et du Verbe est tombé dans la ténèbre ; c’est notre état présent. Par l’exercice de

la théurgie (selon Martinez de Pasqually, voie opérative) ou de la prière (selon Louis-Claude de Saint-Martin, voie

cardiaque), l’homme peut s’évader de la ténèbre et commencer la reconquête de son état primitif, autrement dit

revenir auprès de Dieu. Retrouver la Lumière et le Verbe, voilà quels sont les buts de toutes les initiations dont

les variantes rituelles ne sont que secondaires et sans réelle importance.

Les gnostiques, en leur temps, commentaient la Genèse par la rébellion luciférienne qui conduisit cet ange déchu

à s’éloigner de Dieu et à créer l’univers en ses différents plans jusqu’à la cristallisation matérielle. Ils voulaient

voir en Jésus-Christ le premier réintégré et celui qui nous ouvrait la voie vers la réintégration par l’amour, la

rémission du péché originel qui est justement cette rébellion (les scribes de l’Ancien Testament ont tout

mélangé…) et par le désir, le vrai désir, de la connaissance des rouages de la spiritualité. Le prologue de

l’Évangile de Jean comme son Apocalypse témoignent de cette démarche spirituelle et initiatique et ce n’est pas

un hasard si les gnostiques se référaient à saint Jean comme le feront plus tard les bâtisseurs de cathédrales, les

francs-maçons et, d’une manière plus étendue, tous les initiés, cependant que saint Jacques deviendrait le

patron des Adeptes. Dans ce plan, on laissa à Pierre et à Paul le soin d’évangéliser les foules et d’opérer les

conversions des Gentils et des païens.

Le martinisme se rattache à ce que j’appelle ce christianisme éclairé qui, en dépit de l’hostilité des corps

constitués (Église catholique, en particulier), a cheminé au long des siècles sous des formes différentes et

adaptées à leur temps. La franc-maçonnerie et le martinisme sont les derniers avatars de cette merveilleuse

épopée ; ils sont les héritiers de cette tradition deux fois millénaire qui a pour nom Amour et qui se fonde sur

l’étude et la compréhension des textes fondamentaux des Écritures.

Les martinistes ne sont pas des mystiques passifs, buvant les bonnes paroles et attendant on ne sait quelle grâce

divine. Ce sont des travailleurs, des cherchants, des éternels étudiants. Fondant leurs plans d’études sur les

textes fondamentaux de Martinez de Pasqually et de Louis-Claude de Saint-Martin, ils savent élargir leur champ

de vision à tous les enseignements ésotériques qu’ils examinent et analysent avec la plus grande tolérance. Ils

désirent toujours oeuvrer pour une plus grande fraternité humaine, pour le progrès, car s’ils sont traditionalistes,

ils ne sont ni conservateurs ni passéistes. Ils sont toujours à l’écoute des autres et restent disponibles envers les

souffrances de leurs semblables.

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