je suis chevalier Rose +Croix
« Je ne suis d’aucune époque ni d’aucun lieu ; en dehors du temps
et de l’espace,
mon être spirituel vit son éternelle existence et, si je plonge
dans ma pensée en
remontant le cours des âges, si j’étends mon esprit vers un mode d’existence
éloigné
de celui que vous percevez, je deviens celui que je désire.
Participant
consciemment à l’Être absolu, je règle mon action selon le milieu
qui m’entoure.
Mon nom est celui de ma fonction et je le choisis, ainsi que ma
fonction, parce
que je suis libre ; mon pays est celui où je fixe momentanément
mes pas. Datezvous
d’hier, si vous le voulez, en vous rehaussant d’années vécues par
des ancêtres
qui vous furent étrangers ; ou de demain, par l’orgueil illusoire
d’une grandeur
qui ne sera peut-être jamais la vôtre ; moi, je suis Celui qui
Est. Je n’ai qu’un
père : différentes circonstances de ma vie m’ont fait soupçonner à
ce sujet de
grandes et émouvantes vérités ; mais les mystères de cette
origine, et les rapports
qui m’unissent à ce père inconnu, sont et restent mes secrets ;
que ceux qui seront
appelés à les deviner, à les entrevoir comme je l’ai fait, me
comprennent et
m’approuvent. Quant au lieu, à l’heure où mon corps matériel, il y
a quelque
cinquante ans, se forma sur cette terre ; quant à la famille que j’ai
choisie pour
cela, je veux l’ignorer ; je ne veux pas me souvenir du passé pour
ne pas
augmenter les responsabilités déjà lourdes de ceux qui m’ont
connu, car il est
écrit : « Tu ne feras pas tomber l’aveugle. » Je ne suis pas né de
la chair, ni de la
volonté de l’homme ; je suis né de l’esprit. Mon nom, celui qui
est à moi et de moi,
celui que j’ai choisi pour paraître au milieu de vous voilà celui
que je réclame.
Celui dont on m’appela à ma naissance, ce qu’on m’a donné dans ma
jeunesse,
ce sous lesquels, en d’autres temps et lieux, je fus connu, je les
ai laissés, comme
j’aurais laissé des vêtements démodés et désormais inutiles. Me
voici : je suis
Noble et Voyageur ; je parle, et votre âme frémit en reconnaissant
d’anciennes
paroles ; une voix, qui est en vous, et qui s’était tue depuis
bien longtemps, répond
à l’appel de la mienne ; j’agis, et la paix revient en vos coeurs,
la santé dans vos
corps, l’espoir et le courage dans vos âmes. Tous les hommes sont
mes frères ; tous
les pays me sont chers ; je les parcours pour que, partout, l’Esprit
puisse descendre
et trouver un chemin vers vous. Je ne demande aux rois, dont je
respecte la
puissance, que l’hospitalité sur leurs terres, et, lorsqu’elle m’est
accordée, je passe,
faisant autour de moi le plus de bien possible ; mais je ne fais
que passer. Suis-je un Noble Voyageur ? Comme le vent du
Sud, comme l’éclatante lumière du
Midi
qui caractérise la pleine connaissance des choses et la communion active
avec
Dieu, je viens vers le Nord, vers la brume et le froid, abandonnant partout à
mon
passage quelques parcelles de moi, me dépensant, me diminuant à chaque
station,
mais vous laissant un peu de clarté, un peu de chaleur, un peu de force,
jusqu’à
ce que je sois enfin arrêté et fixé définitivement au terme de ma carrière, à
l’heure
où la rose fleurira sur la croix. Je suis » CHEVALIER
ROSE+CROIX.
« Pourquoi vous faut-il quelque chose de plus ? Si vous étiez
des
enfants de Dieu, si votre âme n’était pas si vaine et si curieuse, vous auriez
déjà
compris ! Mais il vous faut des détails, des signes et des paraboles. Or,
écoutez
!
Remontons bien loin dans le passé, puisque vous le voulez. Toute lumière vient
de
l’Orient ; toute initiation, de l’Égypte ; j’ai eu trois ans comme vous, puis
sept
ans,
puis l’âge d’homme, et, à partir de cet âge, je n’ai plus compté. Trois
septénaires
d’années font vingt et un ans et réalisent la plénitude du
développement
humain. Dans ma première enfance, sous la loi de rigueur et
justice,
j’ai souffert en exil, comme Israël parmi les nations étrangères. Mais,
comme
Israël avait avec lui la présence de Dieu, comme un Metatron le gardait
en
ses chemins, de même un ange puissant veillait sur moi, dirigeait mes actes,
éclairait
mon âme, développant les forces latentes en moi. Lui était mon maître et
mon
guide. Ma raison se formait et se précisait ; je m’interrogeais, je m’étudiais
et
je prenais conscience de tout ce qui m’entourait ; j’ai fait des voyages,
plusieurs
voyages,
tant autour de la chambre de mes réflexions que dans les temples et dans
les
quatre parties du monde ; mais lorsque je voulais pénétrer l’origine de mon
être
et monter vers Dieu dans un élan de mon âme, alors, ma raison impuissante
se
taisait et me laissait livré à mes conjectures. Un amour qui m’attirait vers
toute
créature
d’une façon impulsive, une ambition irrésistible, un sentiment profond de
mes
droits à toute chose de la Terre au Ciel, me poussaient et me jetaient vers la
vie,
et l’expérience progressive de mes forces, de leur sphère d’action, de leur jeu
et
de
leurs limites, fut la lutte que j’eus à soutenir contre les puissances du monde
; je
fus
abandonné et tenté dans le désert ; j’ai lutté avec l’ange comme Jacob, avec
les
hommes
et avec les démons, et ceux-ci, vaincus, m’ont appris les secrets, qui
concernent
l’empire des ténèbres pour que je ne puisse jamais m’égarer dans
aucune
des routes d’où l’on ne revient pas. Un jour après combien de voyages et
d’années
le Ciel exauça mes efforts : il se souvint de son serviteur et, revêtu
d’habits
nuptiaux, j’eus la grâce d’être admis, comme Moïse, devant l’Éternel.
Dès
lors je reçus, avec un nom nouveau, une mission unique. Libre et maître de
la
vie, je ne songeai plus qu’à l’employer pour l’oeuvre de Dieu. Je savais qu’il
confirmerait
mes actes et mes paroles, comme je confirmerais son nom et son
royaume
sur la terre. Il y a des êtres qui n’ont plus d’anges gardiens ; je fus de
ceux-là.
Voilà mon enfance, ma jeunesse, telle que votre esprit inquiet et désireux
de
mots la réclame ; mais qu’elle ait duré plus ou moins d’années, qu’elle se soit
écoulée
au pays de vos pères ou dans d’autres contrées, qu’importe à vous ? Ne
suis-je
pas un homme libre ? jugez mes moeurs, c’est-à-dire mes actions ; dites si
elles
sont bonnes, dites si vous en avez vu de plus puissantes, et, dès lors, ne vous
occupez
pas de ma nationalité, de mon rang et de ma religion. Si, poursuivant le
cours
heureux de ses voyages, quelqu’un d’entre vous aborde un jour à ces terres
d’Orient
qui m’ont vu naître, qu’il se souvienne seulement de moi, qu’il prononce
mon
nom, et les serviteurs de mon père ouvriront devant lui les portes de la Ville
Sainte.
Alors, qu’il revienne dire à ses frères si j’ai abusé parmi vous d’un
prestige
mensonger, si j’ai pris dans vos demeures quelque chose qui ne
m’appartenait
pas ! »
CAGLIOSTRO
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