Série Grandes figures passées : Raymond Bernard réflexions sur trois points






Raymond Bernard, 
1923-2006







Maintes fois réclamé, sans cesse reporté, voici enfin l'essai biographique de Raymond Bernard dans la série « Grandes figures du passé ». 
Destin exceptionnel, organisateur (et non rénovateur) incontestable de l'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix, de l'Ordre Martiniste Traditionnel, chaque membre de ces organisations sait exactement ce qui lui est dû. Créateur aussi, à l'automne de sa vie, d'une structure templière, il paiera injustement le prix fort lorsque surviendra de drame de l'Ordre du Temple Solaire. D'aucuns continuent de penser qu'il n'aurait jamais du s'embarquer dans cette galère, mais ce n'est pas ici qu'il convient d'en juger, simplement de rapporter, aussi objectivement que possible le parcours de cet incontournable chercheur.

Qui est-il ?

Il naît le 19 mai 1923, à Bourg d'Oisans (Isère) au sein d'une famille de commerçants, catholique, à l'abri du besoin sans être très riche. Il y fait ses études primaires, puis ses études secondaires dans la capitale du Dauphiné, Grenoble, successivement au Collège Saint-Michel, puis au Lycée Champollion. La seconde guerre mondiale met un terme à ce cycle (il sera tout de même reçu bachelier en 1940, à moins que ce ne soit en janvier 1945, session spéciale) et il rejoint sa famille à Bourg d'Oisans.

  • 1940 : Il fait la connaissance d'une réfugiée anglaise qui va orienter son destin : Edith Lynn, rosicrucienne affiliée à l'A.M.O.R.C. (Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix).
  • 1941 : 19 mai, Edith Lynn remet à Raymond Bernard, en cadeau d'anniversaire une brochure d'information The Secret Hèritage et quelques exemplaires de la revue Rosicrucian Digest. Maîtrisant parfaitement la langue anglaise, Raymond Bernard reçoit ses premiers enseignements.
  • Tentative pour rejoindre les Forces Françaises Libres d'Afrique, mais il sera refoulé à Montpellier.
  • 1943 : Incorporé aux Chantiers de jeunesse, dans le Massif des Bauges, section du Chatelard en Savoie, à deux pas de sa ville natale.
  • 1944 : Ouvrier à Rioupéroux pour échapper au Service du Travail Obligatoire en Allemagne.
  • 1945 :  Il correspond avec Jeanne Guesdon, ancienne Grande Secrétaire de l'A.M.O.R.C. En France, sous la maîtrise d'Hans Grüter. C'est le début d'une collaboration qui se poursuivra jusqu'à la disparition de Jeanne Guesdon en 1955. 
  • Février: A la Libération, il est incorporé dans un régiment d'artillerie (sous-officier) puis est affecté en … Principauté de Monaco avant de rejoindre les forces d'occupation en Allemagne.
  • 1946 : Démobilisé, il s'inscrit à la Faculté de Droit de Grenoble mais privilégie l'étude par correspondance, tout en aidant ses parents à Bourg d'Oisans.
  • 1948 : Ralph Lewis, Imperator de l'A.M.O.R.C., visite l'Europe et rencontre Jeanne Guesdon (qu'il connaissait comme secrétaire de la F.U.D.O.S.I.( Fédération Universelle des Ordres et Sociétés Initiatiques).
  • 1949 : A la nomination de Jeanne Guesdon, Grand Maître pour la France, le 1° janvier, Raymond Bernard sera le premier membre affilié (sa carte de membre porte donc le numéro 2).
  • 1951 : Janvier, Mariage avec Yvonne Noyrey.
  • Naissance le 30 novembre de Chistian Bernard, actuel Imperator de l'A.M.O.R.C.
  • 1952 : Reçu dans la Militia Crucifera Evangelica, sorte de « chevalerie intérieure » à l'époque, un peu élitiste il faut en convenir (les membres sont nommés par décret de l'Imperator).
  • 1955 : Le 29 mars, décès de Jeanne Guesdon. L'intérim est assuré par le Grand-Maître de Suède, Albin Roïmer. Fort heureusement, Jeanne Guesdon avait chaudement recommandé à Ralph Lewis son collaborateur Raymond Bernard et c'est tout naturellement qu'une correspondance s'établit entre les deux hommes.
  • Au mois d'Octobre, les époux Bernard entreprennent (avec une 2 CV. Citröen) un périple en Italie. Ils y rencontrent des rosicruciens, des francs-maçon. Il fait la connaissance de Guiseppe Cassara di Castellmare qu'il proposera à Ralph Lewis pour la Grande-Maîtrise de l'A.M.O.R.C. Italie. Le 19, Raymond Bernard reçoit la Lumière à la Loge des Cuori Fratelli, à l'Orient de Rome, Grande Loge Nationale Italienne.
  • 1956 : L'Imperator en visite la France et rencontre le 15 janvier pour la première fois Raymond Bernard. Séduit, il lui propose le Secrétariat ( Administrateur) pour la France (avec la perspective de succéder à Jeanne Guesdon). Celui-ci accepte et s’installe dès le mois de Mars à Villeneuve-Saint-Georges, Albin Roïmer passe le flambeau et rejoint la Suède. Raymond Bernard a 33 ans.


Débute alors un long et patient travail de construction. Raymond Bernard, s'appuyant sur une base de quelques milliers de membres, poursuit la traduction des monographies, crée les premières Loges.


Raymond Bernard et Ralph Maxwell Lewis
Première Convention Nationale, Paris.



  • 1959 :Le 8 juillet, à la Convention Internationale de San José en Californie, Raymond Bernard est officiellement installé comme Grand-Maître de la juridiction des Pays de Langue-Française pour l'A.M.O.R.C., et reçoit mandat de réactiver l'O.M.T. (Ordre Martiniste Traditionnel) après avoir été régulièrement initié par Duane Freeman.
  • Le 11 juillet, réception au grade d'Apprenti à la Grande Loge Nationale Française-Opéra. Curieusement, dans un entretien avec l'historien Serge Caillet, Raymond Bernard date cet évènement l'année précédente.
  • 1960 : 12 janvier : Tout aussi bizarrement, il juge nécessaire (doute-t-il de la régularité de son initiation américaine ?) de se faire initier par Marcel Laperruque, dans l'Ordre Martiniste de Robert Ambelain qu'il connaît depuis 1956.
  • 6 avril : reçu Compagnon à la G.L.N.F. Opéra.
  • A une date indéterminée, participe, au Mont Obiou (environs de Gap) en compagnie de Guy Tarade et d'Edouard de Ribeaucourt, à une réunion organisée par Jacques Breyer, se préparant à la résurgence d'Arginy. Mais de son propre aveu, Raymond Bernard se déplaît des travaux théurgiques et l'affaire n'aura pas de lendemain. A moins... qu'elle ne lui ait inspiré ses premières ambitions templières ?
  • 1962 : Reçu Maître (G.L.N.F. Opéra).
  • 1965 : Ralph Lewis, Imperator, inaugure le nouveau Grand-Temple du siège de Villeneuve Saint-Georges.
  • Création de l'association Humanisme et philanthropie.
  • 1966 : Décès de Martha Lewis : Raymond Bernard lui succède au Conseil Suprême le 4 août, au titre de Légat Suprême.
Source illustration : AMORC/USA
  • 1968 : Raymond Bernard crée le mythe du « Cardinal blanc » et de « la grotte de San Nilo » à Grotteferrata (Italie) dans un document interne Rendez-vous secret à Rome. Ce personnage lui aurait confié la mission (« donné l'ordre ») de réactiver l'Ordre du Temple et l'adoube en conséquence. Dans la crypte de la Cathédrale de Chartres, il adoube à son tour le 23 septembre Robert Devaux et Julien Oriegas.
  • 1970 : Jusqu'alors réservés aux seuls rosicruciens sous la forme de messages fragmentés, parution aux Éditions Rosicruciennes des Messages du Sanctum Céleste et Les maisons secrètes de la Rose-Croix(incluant le Rendez-vous secret à Rome). Ces ouvrages, et d'autres, seront réédités dans les années 90 sous un autre titre, chez Dervy
  • 1970 : Année charnière qui va peser lourd de conséquences, Raymond Bernard crée l'Ordre Rénové du  Temple (O.R.T.). C'est l’enchaînement (logique?) de la mission confiée à Grotteferrata par le mythiqueCardinal blanc (Détracteurs et vulgaires copieurs y se référeront dans l'avenir, créant une confusion qui aujourd'hui encore fait référence dans certains groupuscules).
  • 26 octobre : Déclaration en sous-préfecture de Mantes-la-Jolie, d'une association loi 1901 dénommée Ordre Rénové du  Temple  ou O.R.T. Dès le mois suivant – et sous l'aval de Ralph Lewis, avec le concours d'officiers communs avec l'A.M.O.R.C., débute une campagne de recrutement principalement orientée vers les membres de cette organisation. L'effectif à 500 sera rapidement atteint.
  • 1971: Parution de Fragments de sagesse rosicrucienne, toujours aux Editions Rosicruciennes.
  • Inoubliable et excellente interview par Jacques Chancel dans son émission Radioscopie.
  • Confusions, puis amalgames, enfin troubles amènent l'Imperator à exiger que Raymond Bernard se retire de la direction de l'O.R.T. (Il reste néanmoins, avec son épouse, au Conseil d'administration) La présidence revient le 6 avril au Grand-Sénéchal Julien Origas. D'aucuns prétendront que Raymond demeure le grand-maître secret. C'est fort probable, compte-tenu d'initiations par lui conférées au mois d’août de l'année suivante ! L'O.R.T. Compte alors 1700 membres et 20 commanderies.
  • 1972 : le 16 octobre, démission de Raymond Bernard de l'Ordre Rénové du  Temple, rupture de tous liens entre cette organisation et l'A.M.O.R.C.
  • Le 28, c'est la Convention de l'A.M.O.R.C. à Clermont-Ferrand, endeuillée par un tragique accident d'avion. Dans son allocution d'ouverture, publiée dans le numéro 84 de la revue Rose-Croix, Raymond Bernard tranche dans le vif, « on ne peut servir deux maîtres ! ». C'est l'interdit qui est en fait prononcé, brutal et cruel pour nombre de membres communs et désorientés.
  • 1973 : Parution simultanée des Nouveaux Messages du Sanctum Céleste et de Rencontre avec l'insolite, aux Éditions Rosicruciennes.
  • Transfert du siège de l'A.M.O..R.C. De Villeneuve Saint-Georges, à Omonville, Le Tremblay (Eure).
  • 1977 : Août, affaibli par plusieurs mois d'hospitalisation (crise cardiaque)  démission de sa charge de Grand-Maître pour les pays de langue française, au cours d'une Convention qui réunit 8000 rosicruciens. Son fils Christian lui succède, installé par l'Imperator présent. Il demeure Légat Suprème et siège toujours au Conseil.
  • 1981 : L'année est marquée par plusieurs rencontres avec un « vieux compagnon de route » Robert Amadou, à l'émission télévisée des Dossiers de l'écran d'abord, puis au Grand-Convent de l'O.M.T. (où est également convié Philippe Encausse, Président de l'Ordre Martiniste Papusien).
  • 1984 : Participe au titre de Légat Suprême, à la Convention nationale d'Athènes et à la Convention Mondiale de Copenhague.
  • 1986 : Raymond Bernard annonce sa retraite au mois de Septembre, pour "raison de santé".
  • 1987 : Voyage de 4 mois au Cameroun.
  • 1988 : Alors qu'il semblait « vouloir entrer dans le silence », il fonde à la stupéfaction générale, leC.I.R.C.E.S. (Cercle International de Recherches Culturelles et Spirituelles). Présenté comme non initiatique, nombre de rosicruciens se laisseront séduire dans un premier temps mais le vieux démon templier est toujours présent, l'O.S.T.I. (Ordre Souverain du Temple Initiatique) montre le bout de son nez et les réelles intentions de son fondateur... Une nouvelle fois, le ciel s'obscurcit et une mise au point sévère avec l'A.M.O.R.C s'impose, une fracture douloureuse dont tout le monde se serait bien passé.
  • 1990 : Voyage initiatique en pays Cathare, Languedoc-Roussillon.
  • 1991 : Reçu à la Grande Loge de France (G.L.D.F.).
  • 1997 : Raymond Bernard cesse toute activité, se retire en Bretagne pour un repos bien mérité.
  • 2006 : le 10 janvier, à l'âge de 84 ans, il s'éteint paisiblement pour rejoindre la Haute Loge.
Raymond et Yvonne Bernard

Personnalité exceptionnelle au caractère bien trempé, alliant sans complexe un mysticisme sincère et profond avec le pragmatisme d'un homme de son temps (il ne dédaignait pas, dit-on, les hotels luxueux et les très belles voitures) Raymond Bernard laisse le souvenir d'un bon et habile « ouvrier », au charisme séducteur que venait parfois troubler un petit débordement d’ego qui lui fit commettre des erreurs, mais n'est-ce pas là l'assurance qu'il était tout simplement un homme et non le gourou qu'on s'acharnait à diaboliser sur la fin de sa vie, avec les dommages collatéraux causés par la sinistre affaire de l'O.T.S. ? Les chevaliers blancs du 21° siècle en croisade contre tout ce qui gène leur laïcisme sectaire (européens ou africains) peuvent s'acharner à ternir, voire démolir « l'image de marque » de Raymond Bernard, son message initiatique est bien vivant, lui, au service d'un idéal qu'il n'a jamais démenti : SERVIR !


Sources Biographiques :
  • BAYARD, Jean-Pierre, La spiritualité de la Rose-Croix,Paris, Dangles, 1990, 281 p.
  • CAILLET, Serge, L’Ordre Rénové du Temple, Paris, Dervy, 1997, 225 p.
  • Du même, L’Ordre de la Rose-Croix, Villeneuve Saint-Georges, Editions Rosicruciennes, 1983, 72 p.
  • Collectif : Manuel Rosicrucien, Villeneuve Saint-Georges, Editions Rosicruciennes, 1987, 241 p.
  • GUESDON, Jeanne, Messages d'une initiée de la Rose-Croix, Le Tremblay, Diffusion rosicrucienne, 1995, 187 p.
  • Revues Rose-CroixLe Monde de l'Inconnu.

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