Technique de la Voie Intérieure ou Cardiaque R.Ambelain
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Technique de la Voie Intérieure ou Cardiaque R.Ambelain
Ce texte discourt de la prière du cœur et des techniques qui lui sont associées. Ce texte provient des carnets martinistes de Robert Ambelain (Livre des Opérations). L’on ne sera dès lors pas étonné de retrouver des éléments de la liturgie gnostique et/ou Rosicrucienne (Sacramentaire du Rose-croix).
L’utilité de ce texte est dans sa mise en pratique, la prière est aussi vieille que le monde et son efficacité reste indiscutable. Puissent les cherchants y trouver matière à illumination.
« Les égyptiens figurent le Ciel, qui ne peut vieillir puisqu’il est éternel, par un cœur posé sur un brasier dont la flamme entretient son ardeur... » Plutarque : Isis et Osiris.
De même que l’hindouisme, l’Orient Chrétien possède son Yoga, technique mystique d’union au Verbe Divin par la prière qui doit être perpétuellement ininterrompue, comme la respiration ou le rythme cardiaque. On la nomme la « Prière du Cœur » et c’est la véritable « Voie Cardiaque » du Martinisme de Tradition.
Elle n’est pas une simple et banale sensiblerie, mais exige, au contraire, une maîtrise spéciale, une technique de l’oraison, toute une science spirituelle à laquelle les moines se consacrent entièrement. La méthode de l’Oraison intérieure ou spirituelle connue sous le nom de « l’hésychasme » (ou hésychisme), appartient à la tradition ascétique de l’Eglise d’Orient et remonte à une très haute antiquité.
Se transmettant de Maître à Disciple par Voie Orale, par l’exemple et la direction spirituelle, tout comme aux Indes ou au Tibet, cette discipline ne fut fixée par écrit qu’au début du XI° siècle, dans un traité attribué à Saint Simon le Nouveau Théologien. Plus tard, elle fut le thème des exposés principaux de Nicéphore le Moine, qui vivait au XII° siècle et surtout de Saint Grégoire le Sinaïte, qui rétablit cette technique au début du XIV° siècle parmi les moines du Mont Athos. On trouve des références à cette même tradition chez Saint Jean Climaque au VII° siècle, chez Saint Hésychius du Sinaï au VIII° siècle, chez les grands Mystiques du III° et du VI° siècle et dans certains textes où certains attributs du Christ sont liés à la théorie des « noms divins » (ou noms de pouvoirs) de la Kabbale.
Déjà, Saint Jean Chrysostome nous dit que : « Pour que le Nom de Notre Seigneur Jésus Christ descende dans la profondeur de ton cœur, et pour qu’il y vainque le Dragon qui y dévaste les pâturages, et que, d’autre part, il sauve l’âme et la vivifie, pour cela attache-toi sans cesse au Nom du Seigneur Jésus, afin que ton cœur boive le Seigneur et le Seigneur ton cœur, et qu’ainsi les deux se fassent une seule chose... »
Comme on l’a fort bien justement observé dans l’Hésychasme, collaborent indissolublement la grâce essentielle de Dieu et la technique psychologique humaine, pour réaliser l’union divine lumineuse.
Règles générales de la technique
L’Hésychaste réserve ce type d’oraison en son aspect total et technique, à l’heure du coucher solaire (heure canoniale de vêpres), de 18 h à 21 h solaires, dans sa cellule silencieuse et obscure. Certains textes le disent assis sur sa couchette, d’autres parlent d’une chaise basse, sans doute analogue au sgam khri tibétain. La tradition chrétienne orientale indique immuablement l’orant tourné vers l’est où doit être tracée sur le mur une croix. Mais la tradition tantrique indique le sud comme correspondance analogique du cœur, toutefois.
Il n’est pas question de fumigations effectuées dans la cellule, comme pour le lamaïste tibétain. Nous pensons néanmoins que cela ne peut qu’aider le développement de la mysticité, à condition que l’encens soit, bien entendu, sacralisé auparavant.
Le yantra tantrique a son équivalence dans la liturgie orientale, avec l’ikône, que l’on écrit icône en occident. Dans la tradition de l’Orient chrétien, les ikônes reflètent le principe de l’incarnation des « Saintes Images » d’en haut dans notre monde imparfait. Ce sont en somme les Archétypes Divins que l’on matérialise suivant une méthode extrêmement occulte autant qu’élevée.
Tout d’abord, l’ikône ne doit refléter que des Images de paix et de lumière : la Vierge et l’Enfant, la Nativité, l’Ascension, les grands Archanges (Michaël, Gabriel, Raphaël) ou les Saints. Elle ne doit jamais matérialiser des images de souffrance, de douleur ou de châtiment.
Les moines à qui est confié le soin de les réaliser doivent y travailler à jeun, en état de grâce, à genoux et à certaines heures canoniales.
Ils les peignent sur des panneaux de bois (végétal) en disposant successivement des couches de peinture spéciale, les formules remontent aux premiers siècles, comportant des éléments minéraux, végétaux et animaux. Le moine (règne hominal) associe donc les trois règnes à cette « incarnation », salvatrice, du divin, il associe la Nature entière, déchue par la faute de l’homme premier, à cette ascèse purificatrice. Les couches ainsi réalisées, il peint le sujet même de l’ikône, en insérant le plus d’or possible. Ajoutons que le bois aura été d’abord creusé tout autour afin de réserver un encadrement tout autour de l’image finale. L’ikône doit être également un moule en creux, afin que « la terre recouvre l’empreinte du Ciel », selon la tradition.
L’ikône est ensuite bénite selon une formule spéciale, par des fumigations d’encens abondantes et fréquentes, en disposant autour d’elle ou devant elle des petites lumières : veilleuses à huile (rouge) ou des cierges de cire d’abeille. La « prière du Cœur » doit, en effet, être une « adoration » et non une demande, selon la règle séculaire.
Vient ensuite le prononcé du mantra. Pour l’hésychaste il consiste dans le fait de prononcer intérieurement l’immuable formule suivante :
« KYRIE ISSOU CHRISTE IE THEOU ELEISON IMAS AMARTANON »
soit :
« Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur ».
On observera combien cette litanie s’apparente au mantra tibétain classique : « Om Mani Padme Aum », qui est celui du Bouddha de la Miséricorde : Avalokitésvara.
Les liturgies orientale et même latine font d’ailleurs un emploi fréquent de la formule « Kyrie Eleison... Christe Eleison », et les bijas, ou vibrations sonores, sont très proches l’une de l’autre dans la formule tibétaine ou dans la formule chrétienne.
Avant de commencer, l’hésychaste devra méditer sur la mort, l’humiliation de soi, la vision (ésotérique évidemment) du Jugement final par lequel doit se terminer la création présente, à laquelle succédera l’Eon futur. Il méditera sur la « récompense » qui n’est que la fixation par le Feu-principe, lequel les trempe en quelque sorte, des âmes ; fixation bonne ou mauvaise, qui découle de ce jugement de toutes les créatures, hominales ou angéliques. Il devra prendre conscience qu’il est plus corrompu que tous les autres hommes, plus mauvais que les Mauvais Esprits eux-mêmes et qu’en conséquence, il mérite le rejet final.
De ce climat intérieur doit résulter la componction, la tristesse et les larmes. (Nous retrouvons ici un aspect essentiel du Bakhti Yoga). Si cet état de « transmutation » de l’être intérieur, analogue à la « putréfaction » alchimique, est atteint, y demeurer jusqu’à ce que le climat disparaisse de lui-même ; mais si l’âme est demeurée sèche et insensible à ce tableau préparatoire, la tradition de l’hésychasme conseille de prier pour l’obtenir, comme une grâce. A noter qu’il ne s’agit nullement de faire de l’hésychaste un pessimiste, un désespéré. Au contraire, la règle déclare qu’il doit vivre joyeux, de bonne humeur et heureux de se sentir dans la bonne voie. Mais cette « putréfaction » doit être atteinte dès l’instant où l’on commence les exercices.
Nous avons parlé du rosaire tibétain (dans un autre carnet) dont la matière constitutive varie avec la déité. C’est ainsi que pour le Bouddha de la Miséricorde (Bouddha futur), Avalokitésvara, il est de cristal et comporte 108 grains, comme tous les rosaires lamaïques. Il peut également être fait de coquillages. Il sert à rythmer et à en vérifier le nombre, le déroulement litanique des mantram. Il en est évidement de même dans la tradition chrétienne ; rosaires et chapelets ont le même but.
Pour la présente technique, nous conseillons le rosaire de cristal, de bois de cèdre ou de santal, ou encore d’olivier. Il est bon qu’il comporte huit séries de huit grains (en souvenir des huit béatitudes) séparées chacune par un grain un peu plus gros, ce qui donne un total de soixante-douze grains (en souvenir des 72 noms divins de la tradition vétérotestamentaire).
On pourra utiliser la formule courte :
KYRIE ISSOU CHRISTE IE THEOU ELEISON
Sur chacun des 64 grains ordinaires, et prononcer la formule longue :
KYRIE ISSOU CHRISTE IE THEOU ELEISON IMAS AMARTANON
sur les huit grains qui séparent les séries.
La respiration doit être régulière, rythmée par la formule, qui n’est prononcée que pendant l’aspiration, uniquement effectuée par le nez, nous dit la règle de l’hésychasme. Et cette prononciation est purement intérieure, jamais verbale.
De même que le véritable yogi fuit les siddhis (les pouvoirs psychiques), comme des moyens utilisés par les entités inférieures pour l’entraver en son cheminement spirituel, de même l’hésychaste rejette tout désir de prodige. Voici ce que nous dit en ce domaine Saint Nil du Sinaï :
« Voulant contempler la face du Père Céleste, ne t’efforce point de discerner, pendant ton oraison, quelque image ou figure... Fuis le désir de voir sous une forme sensible les Anges, les Puissances ou le Christ. Autrement, tu risques de sombrer dans la démence, de prendre le loup pour le berger, et d’adorer les démons à la place de Dieu... Le commencement de l’erreur est dans le désir de l’esprit de saisir la Divinité dans une image ou une figure... » (Saint Nil du Sinaï, « De Oratione »).
Toutefois, cette technique est fréquemment concomitante de tentations forts grandes, voire même d’infestation, de hantise et d’apparitions démoniaques. Et cela dans le lamaïsme tibétain comme dans l’hésychasme chrétien.
Celui qui, au cours d’évocations magiques, aura réussi à voir le monde démoniaque, ou bien, en sera devenu le possédé, ou bien, demeuré maître de lui-même, aura sa foi affermie à jamais.
On l’a vue, la formule litanique, le mantra, comporte huit mots en grec (formule complète) et six mots seulement dans son abrégé. Elle est prononcée, répétons-le encore, intérieurement, pendant l’aspiration et on s’efforce d’imaginer la formule, véhiculée par l’air inspiré, descendant dans le cœur physique avec l’image du Christ.
Se reporter à ce qui a été dit sur le « Lotus du Cœur », l’Ananda Kaunda, et on verra combien le yoga tantrique et l’hésychasme sont proches l’un de l’autre.
Reste le problème des fumigations sur lequel les rares documents consultés sont muets. Nous pensons qu’elles font partie des instructions orales données par le « staretz » au novice. Il est en effet bien évident que l’air élémentaire, celui que nous respirons, est très impur. Nous savons par la tradition chrétienne que l’atmosphère est d’ailleurs l’habitat ontologique du monde démoniaque (voir à ce sujet Saint Paul, Épître aux Éphésiens II, 2). C’est pourquoi il est, croyons-nous, avantageux de le purifier par une fumigation, dont la formule de sacralisation soit elle-même un court mais efficace exorcisme (nous renvoyons le lecteur aux exorcismes de l’EGA ou du Sacramentaire des R+C pour les formules à utiliser).
Sur l’éveil de ce que le tantrisme nomme la Kundalini, sorte d’énergie psychique de nature ignée, et que tous les traités affirment dangereuse à manier, voire même mortelle, si l’on n’est pas conduit par un véritable Maître, les Écritures judéo-chrétiennes ne sont nullement muettes, que l’on juge :
« L’Éternel ton Dieu est un feu dévorant » Deutéronome IV, 24.
« Ma parole n’est-elle pas comme un feu » Jérémie XXIII, 29.
« Je ferai sortir de tes entrailles un feu qui te dévorera... Vous en avez tous allumé en vous un feu qui vous brûle, vous êtes environnés de flammes ; marchez dans la lumière de ce feu que vous avez préparé, dans les flammes que vous avez allumées... » Isaïe L, II.
« Le feu qui sort de l’homme qui contemple le dévore » Hekhaloth Rabbati III, 4.
Il y a en effet un double aspect de ce Feu. On sait que le Temple de Salomon, réplique du Tabernacle, fut réalisé par Salomon selon les plans reçus par David son père des mains du prophète Nathan, dépositaire de l’ésotérisme d’Israël.
On sait que le Temple fut bâti à l’image de Dieu, de l’homme et de l’univers et que l’étudier c’est étudier l’un et l’autre... Or, il y avait deux autels sur lesquels brûlaient deux feux différents, au sein du Temple de Salomon, l’un était l’Autel des Parfums, sur lequel à l’aube, à midi et le soir, on offrait à Dieu de l’encens d’adoration et de louanges. Il y avait également l’Autel des Sacrifices sur lequel les sacrificateurs offraient les victimes sacrées.
Le premier est à l’image de notre cœur, de nos bonnes actions. Le second est à l’image de notre cerveau et des sacrifices que nous devons faire de nos passions (les animaux).
Chacun des cinq objets sacrés : l’Arche d’Alliance, le Chandelier à Sept branches, l’Autel des Parfums, l’Autel des Sacrifices et la Mer d’Airain correspond nécessairement à un de nos centres psychiques essentiels en ce Temple intérieur que nous portons en nous. D’où les paroles du rosicrucien Robert Fludd : « Quand le Temple sera consacré, ses pierres mortes redeviendront vivantes, le métal impur sera transmué en or et l’homme recouvrera son état primitif ».
Encore convient-il de ne pas nous tromper de feu ou d’autel.
Pour compléter l’aspect universel de cette technique, disons que l’Islam se divise en deux catégories de fidèles, ceux qui sont les croyants ordinaires et ceux qui, en plus, sont affiliés à une confrérie, ou Kadrya. Or, dans ces confréries musulmanes il est d’usage de répéter sans cesse la même invocation, rythmée par l’égrainement du chapelet traditionnel, et la plupart de ces invocations expriment le recours à la miséricorde divine, l’orant demandant à Dieu de lui pardonner ses péchés, de lui faire miséricorde à son dernier jour.
Par ce triple aperçu d’une technique multiséculaire, retrouvée et identifiée en trois courants différents de la spiritualité universelle, on ne saurait mieux en souligner la valeur, qu’en montrant combien des mysticités différentes peuvent finalement s’identifier et communier dans leur objectif final.
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