mardi 27 octobre 2015

Le Martinisme (extraits)

 
 
 
 
 
 
 
Cahier n° 1 : Le Martinisme (extraits)

Le martinisme est un théosophe. Or, ce qu'est un théosophe, un auteur anonyme nous

l'explique ainsi :

« On entend par théosophe un ami de Dieu et de la sagesse.

« Le vrai théosophe ne néglige aucune des inspirations que Dieu lui envoyé pour lui

dévoiler les merveilles de ses oeuvres et de son amour, afin qu'il inspire cet amour à ses

semblables par son exemple et par ses instructions. Je dis le vrai théosophe : car tous ceux qui

s'occupent seulement de la théosophie spéculative, ne sont pas pour cela théosophes,

mais ils peuvent espérer de le devenir, s'ils en ont un véritable désir, et s'ils persistent

dans la résolution qu'ils ont prise d'imiter les vertus du Réparateur, et de mettre en lui

toute leur confiance. Un vrai théosophe est donc un vrai chrétien, ainsi que l'on peut s'en

convaincre par leur doctrine qui est la même. Cette doctrine est fondée sur les

rapports éternels qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers ; et ces bases se trouvent ensuite

confirmées par les livres théogoniques de tous les peuples, et surtout par les Ecritures saintes

expliquées suivant l'esprit et non suivant la lettre.

« Les théosophes fermes dans leurs principes, ne varient point, ne disputent jamais; ils

tâchent de convaincre par le raisonnement et par les faits; s'ils ne peuvent y parvenir, ils gardent le

plus profond silence, et gémissent sur les erreurs

qui offusquent l'esprit de leurs semblables; ils prient Dieu qu'il les éclaire et les dispose à

recevoir la vérité: car la vérité porte par elle-même son évidence, il faut seulement que les

esprits soient préparés à la recevoir.

« Ainsi l'on voit que les théosophes ne font point secte ; ils ne cherchent point à se

faire de prosélytes, et ne se conduisent point comme des sectaires; seulement ils plaident

ouvertement dans leurs écrits, et quand l'occasion se présente, la cause de la vérité. Et, en

effet, peut-on appeler sectaires les sages qui, dans tous les temps, ont prouvé jusqu'à

l'évidence, par leurs discours et par leurs actions, qu'ils étaient véritablement les amis de

Dieu?

« L'unité et la fixité de leurs principes doivent aussi les faire distinguer des philosophes, dont

la diversité des opinions inspire naturellement la défiance sur leurs différents systèmes, et l'on peut

même dire, sur le mot philosophie, dont on

a tant abusé jusqu'à présent. Car si la philosophie, prise en général, renferme, dans son sein,

toutes les vérités connues, elle y recèle aussi toutes les erreurs les plus dangereuses.

Plaignons ceux qui s'y livrent inconsidérément, sans avoir reçu le flambeau que la Sagesse

éternelle peut seule donner, quand nous le lui demandons avec sincérité, soit pour nous

éclairer chacun dans nos ténèbres, soit pour éclairer ensuite nos semblables, si cette

Sagesse nous en juge dignes »[1].

Le moteur de cette initiation, de cette purification, est le désir : « Le premier principe de la

science que nous cultivons est le désir. Dans aucun art temporel, nul ouvrier n'a jamais réussi sans une

assiduité, un travail et une continuité d'efforts

pour parvenir à connaître les différentes parties de l'art qu'il se propose d'embrasser. Il serait

donc inutile de penser que l'on peut parvenir à la sagesse sans désir, puisque la base

fondamentale de cette sagesse n'est qu'un désir de la connaître, qui fait vaincre tous les

obstacles qui se présentent pour en fermer l'issue ; et il ne doit pas paraître surprenant que ce

désir soit nécessaire, puisque c'est positivement la pensée contraire à ce désir qui en a éloigné

tous ceux qui cherchent à y entrer ».[2]

Le désir de Dieu et de sa Sagesse est la base, la clef du travail martiniste. Le martiniste

est, selon le titre du plus

fameux ouvrage de Saint-Martin [3], un « homme de désir ». L'expression, qui vient du prophète

Daniel, était chère à Martines de Pasqually avant de l'être de son disciple le plus intelligent. Le désir

essentiel peut lui-même s'alimenter de tous les autres désirs, non point à refouler mais à orienter.

Puisque le martinisme est une théosophie, et que le martiniste est un homme - ou une

femme - de désir, le but du martiniste sera celui du théosophe : l'initiation. Selon Saint-Martin,

celle-ci consiste à se rapprocher de notre principe, qui est Dieu.

Le martiniste est un théurge, et le moyen de l'initiation martiniste est la théurgie. Qu'est-ce

que la théurgie ? C'est, selon le Dictionnaire de Trévoux (1704), la « puissance de faire des

choses merveilleuses et surnaturelles par des moyens miraculeux et licites, en invoquant le

secours de Dieu et de ses anges ». La théurgie engage donc dans le commence avec les anges,

qui sont les esprits intermédiaires entre l'homme et Dieu, et avec Dieu même et sa

Sagesse.

Deux voies, dit-on couramment de nos jours, s'offrent au théurge : la voie externe de la

théurgie cérémonielle, qui n’exclue certainement pas la prière, et la voie interne de la théurgie

cardiaque, qui repose sur la seule prière. L'étude théorique de l'une et de l'autre s'impose avant

l'éventuelle pratique. Il n'y a pas de voie facile, mais il y a des voies dangereuses. Que chacun

suive donc ici le conseil de l'Apôtre : examinez tout, retenez ce qui est bon.

Exhortation préalable : « le premier pas qu'on doit faire doit être dans le sentier de l'humilité,

de la patience et de la charité. Ces vertus sont si nécessaires dans notre ordre [sc. l’ordre des élus

coëns] que l'on ne peut y faire aucun

progrès qu'autant qu'on s'avance dans ces vertus » [4]. Qu’importent les écoles et la voie

choisie, cette exhortation vaut pour le martiniste d'aujourd'hui comme pour celui d'hier.

Avec les voies théurgiques corollaires, le martinisme se présente donc en Occident comme un

rameau de l'ésotérisme judéo-chrétien, dépositaire de la doctrine de la réintégration. Cette doctrine

doit être étudiée, assimilée, avant de

passer ou de ne pas passer, à une theosophia practica. Car nul ne peut s'engager dans la

théurgie sans une profonde connaissance théorique des rapports qui existent entre Dieu,

l'homme et l'univers.

Dans l'attente des autres cahiers à venir, résumons donc le Traité : De toute éternité,

Dieu engendre des êtres, Il émane pour sa propre gloire des esprits libres qui composent sa

cour, ou immensité divine. Certains de ces êtres viennent à pécher en se rebellant contre le

Créateur, et leur faute spirituelle contamine même les esprits demeurés fidèles à l'Eternel. Dieu

doit protéger ces derniers, punir les esprits infidèles tout en leur permettant de retrouver leur état

perdu. A cet effet, l'univers matériel est créé, et ils y sont enfermés après avoir été chassés de la

cour divine. Mais il

faut à cette prison un geôlier, qui soit aussi un éducateur, et aucun esprit fidèle ne peut

accomplir cette mission, car tous ont été souillés par le crime des mauvais esprits. Dieu émane

donc à son image et à sa ressemblance une nouvelle classe d'esprits, supérieurs aux premiers

parce que non souillés : c'est l'homme.

Puis Dieu détache de cette nouvelle classe un esprit particulier qui aura pour mission de

veiller sur les démons, et d'aider à leur réintégration : c'est Adam, l'homme-Dieu de l'univers.

Mais Adam pêche à son tour, après que le prince des esprits déchus lui ait suggéré d'engendrer

seul une autre créature, qui dépendrait de lui, comme lui-même dépendait

de Dieu. Cette production ratera : Eve, engendrée par Adam, sera une créature pourvue

d'un corps ténébreux. Du même coup, Adam se verra lui aussi affligé d'un corps

semblable. Ce sera la seconde chute : Adam, enlisé dans la matière, entrera dans le

monde et perdra le contact direct avec l’Eternel.

Dès lors, selon Martines, Adam, et ses descendants dont nous sommes, ne seront plus

capables d'opérations purement spirituelles, mais seulement d'actions « spirituelles

temporelles ». D'où la théurgie cérémonielle, spirituelle et temporelle, avec certes de grandes,

belles et efficaces prières, mais aussi avec des rites qui impliquent noms, gestes, parfums,

cercles et symboles. Ces opérations de magie divine, selon Martines, devront permettre à

l'homme repenti d'obtenir le pardon de Dieu, et de recouvrer provisoirement les pouvoirs dont

l'Eternel avait investi Adam.

L'homme entre alors en rapport avec les êtres spirituels, les anges demeurés fidèles à

Dieu, dont il lui faut requérir l'assistance en vue d'exorciser les démons et de les réintégrer, ainsi

qu'Adam en avait reçu la primitive mission. Papus, un siècle après Vialetes, dit que le martinisme

consiste « en l'acquisition, par la pureté corporelle, animique et spirituelle des pouvoirs qui

permettent à l'homme d'entrer en relations avec les êtres invisibles, ceux que les églises

appellent les anges, et de parvenir ainsi, non seulement à la réintégration personnelle de

l'opérateur, mais encore à celle de tous ses disciples de bonne volonté » [5].

Saint-Martin a intériorisée la théurgie cérémonielle en optant pour la voie interne - que

Papus qualifie de cardiaque - tout aussi méthodique, mais selon lui moins dangereuse. Mais son

rejet de la voie externe n'oppose pas Saint-Martin à Martines, car cette voie-là, Martines lui-même

ne la méconnaissait pas, mais il la jugeait trop étroite, et pour ainsi dire fermée, alors que Saint-

Martin jugea, lui, qu'il pouvait s'y engager avec succès. Estimant qu'il devait bien se contenter

de ce qu'il avait, Martines enseignait la théurgie externe, cérémonielle. Saint-Martin sublima cette théurgie en une

pratique intra-cardiaque. Mais le Philosophe inconnu n'est pas un mystique au sens strict. Saint-Martin est un illuministe

et un gnostique. Sa théosophie joint la connaissance à l'amour.

 


vendredi 16 octobre 2015



Ce blog aurait dû s’intitulé "Pensés de l'Aube ", c’est qu'il m'arrive souvent de prendre mon stylo le matin de très bonne heure, même avant le lever du soleil.     Et que:

Le soleil est la source de toute lumière et son évolution quotidienne à l'Est a été l'un des premiers mystères pour l'homme. Pour les Mystiques, le lever du soleil symbolise la naissance d'une nouvelle conscience et ta venue d'une plus haute compréhension de l'homme est de l'univers.

Peut-être ces lignes sembleront naïves, mais c'est de cette façon que je les ai ressentis.

mercredi 14 octobre 2015

Saint Martin-Tableau Naturel des Rapports qui existent entre Dieu, l'Homme et l'Univers



 


Philippe LAVASTINE.
vendredi 12 octobre 2007, par Murilo Cardoso de Castro


Introduction de Philippe Lavastine à l’édition de 1946 réalisé par les Éditions du Griffon d’Or.
INTRODUCTION

« Nous ne pouvons nous lire que dans Dieu lui-même et nous comprendre que dans sa propre

splendeur. » SAINT-MARTIN, Ecce homo, p. 19.

CELUI que Joseph de Maistre appela « le plus instruit, le plus sage et le’ plus élégant des

théosophes », Louis-Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu (1743-1803), « une des

âmes les plus religieuses et les plus pures qui aient passé sur la terre », a écrit Henri Martin dans son

Histoire de France, « le représentant le plus complet, l’interprète le plus profond et le plus éloquent

que le mysticisme ait eu dans notre pays et celui qui a exercé le plus d’influence », a écrit Victor

Cousin, un homme qui eut « des lueurs sublimes », a dit Mme de Staël, a relevé au siècle de Diderot

et de d’Holbach toutes les « idoles métaphysiques » que ceux-ci avaient cru renverser.

Il a rétabli contre Carat « l’existence d’un sens inné et la distinction entre les sensations et la

connaissance » [NA : Discours en réponse au citoyen Carat, professeur d’entendement humain...

(1795).]. Il a restauré l’idée que l’homme peut connaître intimement - « le principe de son être,

Cause active et intelligente » [NA : Des erreurs et de la Vérité (1775).]. Il a repris l’idée de la chute,

déchéance d’un état primitif, royal, dans lequel l’homme fidèle à son Modèle divin, se conformait

exactement à sa tâche d’être un porteur de son Feu (ÊTRE EST ÊTRE) [NA : Eheieh asher eheieh,

ce que l’on traduit d’ordinaire par : sum qui sum, je suis celui qui suis.], au milieu de sa création.

Mais Adam a désobéi à cette loi de liberté absolue, il a cédé aux attraits de la substance sensible, il y

a mêlé son être au point d’oublier l’être de son être et il a commis l’acte que Saint-Martin nomme l’

« Adultère primitif ». La Cabale nomme la Terre, « la Divine Fiancée » et elle assigne à l’homme le

rôle d’un médiateur entre le Ciel et la Terre. Car celle-ci est elle-même « célestielle », comme le

disait la chevalerie et l’homme n’a donc pas le droit de s’unir à elle en état d’impureté. Si le Valet

du Roi devient le Valet de sa propre sensualité, il souille la Reine. « Parce que tu as obéi à la voix de

ton épouse, la Terre est maudite à cause de toi », dit l’Ecriture dans un raccourci frappant. En effet

si l’homme cède à la femme, lorsqu’elle cède à Satan, à ce moment c’est elle-même qu’il trahit. La

Nature tout entière s’en trouvera altérée, elle deviendra autre que ce qu’elle est. Mais l’homme, dit-

Saint-Martin, peut restaurer l’intégrité de son être, aujourd’hui dénaturé jusqu’à l’animalité. Il peut

retrouver la conformité à la formule d’identité absolue de son Nom, c’est-à-dire redevenir libre. S’il

a introduit sa souillure dans l’Univers et interrompu de cette façon les rapports naturels de son

Union avec Dieu, la Terre maudite se venge, se retourne contre l’homme pour le faire expier. Or, dit

Saint-Martin, la souffrance est ce qu’il y a de plus propre à « réactionner » les étincelles divines qui

se trouvent encore, immortelles, dans l’être le plus déchu. Par la grâce de la souffrance, il subsiste

donc, pour chacun de nous, une chance de pouvoir opérer ce qu’il nomme e le Grand-Oeuvre du

changement de la volonté » ou, suivant une autre perspective, le rétablissement dans leur Ordre des

quatre lettres du nom Adam, qui correspondaient primitivement aux quatre lettres du Nom divin, ces

quatre aromates d’égal poids dont est composé le Parfum, sans lequel, dit le Livre de l’Exode,

l’homme ne peut rien faire [NA : Yod, Père. Hé, Nature divine du Fils. Vav, Esprit, Mère. Hé,

Nature humaine du Fils. Par le dédoublement du second terme, le tétagramme symbolise la

persistance du ternaire divin dans le quaternaire de sa manifestation cosmique (descente et

remontée). L’année avec ses deux équinoxes, qui ne sont qu’un et pourtant sont deux, comme les

deux natures du Christ, afin de séparer pour réunir hiver et été, Ciel et Terre, Roi et Reine, en est

une claire image.].

Claude de Saint-Martin avait été d’abord le disciple d’un thaumaturge, qui a joué dans la Franc-

Maçonnerie de l’époque un rôle de fondateur : Martinès de Pasqually, le Grand-Maître Souverain de

l’Ordre des Elus Coens, dont R. Le Forestier nous a raconté l’histoire [NA : La Franc-Maçonnerie

occultiste et l’Ordre des Elus Coens.]. L’Ordre ne se proposait rien moins que de « suppléer à la

défaillance de l’Eglise qui devait être totale à la fin des temps » [NA : Cité par Aug. Verre : Les

sources occultes du romantisme.]. Et nos Illuminés Martinistes travaillaient ferme au

développement de leurs Pouvoirs sur les Esprits pervers et les Esprits divins - car, Martines

l’enseignait, Pouvoir a été donné à l’homme sur les deux classes d’Esprits - afin de constituer cette

nouvelle puissance spirituelle, qui permettrait de continuer d’ « assurer les communications avec le

monde surnaturel ». Telle était la tâche entreprise... Mais il semble que Saint-Martin ait bientôt jugé

« trop violents » les procédés théurgiques employés par son maître et fastidieux les rites de la magie

cérémonielle. Alors il se retira, pour pratiquer exclusivement la voie qui était « le plus selon son

coeur » et qu’il appelait « la voie interne ». Il semble d’ailleurs s’être reproché plus tard cette

désertion, lorsque la lecture plus approfondie des ouvrages de Jacob Boehme le convainquit que

« M. de Pasqually avait la clé active de tout ce que notre cher Boehme expose dans ses théories,

mais qu’il ne nous croyait pas en état de porter » [NA : Lettre à Kirchberger, 11 juillet 1796.].

La doctrine de Saint-Martin, hostile à tout supranaturalisme aussi bien qu’à tout matérialisme, est

« la doctrine des harmonies de la lumière de la nature et de la grâce » [NA : Au témoignage de

Franz von Baader, cité par Eugène Susini : F. von Baader et le romantisme mystique.]. Elle n’a rien

d’un panthéisme, mais elle insiste sur l’omniprésence du divin. Saint-Martin avait d’abord prévu de

donner à l’un de ses livres, l’Esprit des Choses, ce titre encore plus significatif : les Révélations

Naturelles. C’est un principe essentiel chez lui, en effet, que « pas une vérité religieuse ne manque à

faire sa révélation propre dans le coeur de l’homme », si celui-ci sait tenir sa pensée, « miroir

divin », nette de toute souillure. « Mais les prêtres, dit-il, on fait un rempart de ce mot mystère à

leur religion. Ils pouvaient bien étendre des voiles sur les points les plus importants, en annoncer le

développement comme le prix du travail et de la constance et éprouver par là leurs prosélytes, en

exerçant à la fois leur intelligence et leur zèle ; mais ils ne devaient pas rendre ces découvertes si

impraticables que l’univers en fût découragé... En un mot, j’aurais à leur place annoncé un mystère

comme une vérité voilée et non comme une vérité impénétrable. » Saint-Martin ne faisait ainsi que

redonner au mot mystère son sens primitif et je ne vois pas ce qu’on pourrait lui répondre, à moins

de reconnaître que le contenu, substantiel de la plupart des mystères est aujourd’hui perdu. D’autre

part, est-il si difficile de discerner que l’argument habituel (la foi ne serait plus un mérite, si elle

pouvait être une évidence) n’est inévitable que pour la foi... habituelle, une très faible foi qui ne sait

plus créer son évidence et se maintenir en elle par une lutte incessante ?

Albéric Thomas [NA : Nouvelle notice historique sur le martinesisme et le martinisme.

Bibliothèque rosicrucienne, r.° 5, 1900.] a déclaré « puéril de soutenir que Saint-Martin soit le

continuateur de Martinès de Pasqually », car, en quittant son maître, il serait devenu « un mystique

à qui répugne tout genre actif ». Ce jugement est trop sévère. Et du moins, n’y a-t-il aucune trace de

quiétisme dans la doctrine de l’homme qui glorifiait dans le Christ un « héros de la volonté » et dont

l’oeuvre ne fut qu’une exhortation à « l’activité de toutes les vertus afin que l’âme soit prête à saisir

toutes les lumières et à les faire fructifier pour la gloire de la Source » [NA : Nouvel homme.].

Dans son Traité sur l’Influence des Signes, il a exposé sa méthode de connaissance de soi-même par

le moyen des preuves actives. Et Caro en donne une citation suffisante dans son Essai sur la Vie et

la Doctrine de Saint-Martin (1850). Saint-Martin écrit : « Ici (en ce qui concerne la Science de soi)

nous sommes à la fois et le sujet anatomique et le malade blessé dans tous ses membres, et ce ne

peut être que d’après une dissection complète, faite sur nous tout vivants, ce n’est que par ces actes

scrutateurs que nous pouvons atteindre aux termes de la Science ». Ainsi SaintMartin préconise une

observation active, douloureuse, qui ne saurait qu’arracher des cris à l’âme qui la subit, qui doit les

lui arracher : ce que Caro, dont le Cartésianisme s’émeut, commente ainsi : « Il ne s’agit plus, on le

voit., de cette méthode expérimentale, calme, lucide, instrument de la vraie science, c’est une

science mystique !... L’acte scrutateur, pour parler cette langue étrange est presque un acte

chirurgical, on n’étudie pas l’homme dans le développement de sa vie régulière, on le met dans un

état violent, dans une crise. Il faut presser, fouler, briser son âme pour la forcer à répondre. Il faut

faire crier son mal. Voilà ce que Saint Martin nomme une preuve active. » Et de conclure

doctement : « Nous sommes loin de la vraie méthode et du bon sens ».

C’est cependant l’idée profonde de Saint-Martin et le centre de sa doctrine, qui n’est attire que celle

de la Croix, Arme de la Connaissance. Il faut « donner du bois pour son pain », selon l’expression

du Prophète. Il faut passer par le pressoir pour obtenir la liqueur d’immortalité. Il faut participer

volontairement aux souffrances de l’Agneau, car nous n’avons pas le droit de « nous dispenser de

concourir à l’oeuvre avec lui comme s’il devait l’opérer seul et sans le concours de notre libre

volonté », a écrit Saint-Martin. C’est dans cette perspective qu’il reviendra sans se lasser sur cette

idée que la destination de l’homme, le sens même de sa vie, est « d’annoncer Dieu au monde en

manifestant ses puissances et non en les usurpant » [NA : C’était la doctrine des alchimistes, qui

voyaient dans la Croix le creuset où le monde doit être refondu. I.N.R.I. était lu : Igne Natura

Renovatur Integra.].

Nous sommes ici aux antipodes de l’attitude passive. C’est une première « extase » qui a entraîné la

chute du premier homme, disait crûment Martinès [NA : « L’homme est tombé dans l’extase ».

(Traité de la Réintégration des êtres dans leurs premières propriétés spirituelles et divines.)]. C’est

un enseignement que Saint-Martin n’oublia jamais. Mais c’est aussi l’enseignement traditionnel que

la spiritualité, au siècle de Mme. Guyon et de Dutoit, avait oublié dangereusement. Et pourquoi

prêchait-on l’éloignement du monde ? C’est que l’on ne savait plus que ce n’est pas « ce monde »

qui est mauvais, mais notre esclavage au monde, par lequel nous le trahissons, le privant de la Seule

chose que Dieu attende de nous : le Service actif de lui manifester son Nom.

Le langage de la religion active est celui de l’admiration, de l’adoration et de la volonté de

représenter, d’incarner, de sanctifier ici-bas le Nom admiré et aimé. Reprenant une pensée de Saint-

Martin, Franz von Baader a écrit : « L’Ecriture dit que l’homme a été créé pour être l’image de

Dieu, en d’autres termes, que l’homme achève d’enfanter ou de réaliser cette image en lui et par

lui... » Ainsi Vivekananda disait : « Il ne s’agit pas de devenir plus pur et plus pur, mais de

manifester la pureté qui est en nous ». Une pureté, une liberté immortelle est la puissance que tout

homme a reçu avec le don de vie. Mais « l’homme s’est cru mortel, a écrit Saint-Martin, parce qu’il

a trouvé quelque chose de mortel en lui ». Il faut lui apprendre que ce n’était pas Lui. Tout se trouve

donc dans la parabole du talent : Ma parole, dit le Seigneur, ne doit pas m’être retournée par vous

sans contenu.

Saint-Martin eut à un très haut degré le sens de « l’effort, qui est tout l’homme », comme l’a dit

Blanc de Saint-Bonnet. Mais sa vue ne se limita jamais à la perspective religieuse d’un salut

individuel. « L’homme véritable, dit la tradition extrême-orientale, ne s’arrête pas à se compléter

lui-même, il complète aussi les choses. » Il a ainsi un rôle intermédiaire dans le Cosmos, il est le

médiateur indispensable entre le Ciel et la Terre. Nul ne peut devenir verus homo, s’il ne devient un

fils de Dieu. Mais, comme l’a dit maître Eckhart, « y eût-il un millier de fils, ils ne pourraient être

que le Seul Fils ». Tel fut ce que Joseph de Maistre appela « le christianisme exalté » de Saint-

Martin.

Au commencement, il y eut un sacrifice divin, quelque chose comme une négation du Principe

jusqu’à la faiblesse des choses et cet acte affirmatif d’amour - un Oui a de l’être dans la mesure où

il a de l’amour - ce fut la création. Mais, comme l’a dit Tauler, « la sortie n’est là qu’à cause de la

rentrée et l’abaissement du Créateur n’a pour but que de réaliser une élévation de ce dernier ». Le

Créateur s’est mis à la merci de la Créature, Il se tient dans sa dépendance, Il attend de son

Intelligence qu’elle reconnaisse la dette et qu’elle soit libérée. Toutes les créatures naissent comme

une dette due au Seigneur. « Si seulement, s’est écrié Saint-Martin, nous pouvions ne jamais oublier

que Lui ne nous doit rien... »

L’homme tombe, selon Saint-Martin, chaque fois qu’il manque à désirer un être supérieur à luimême,

car « l’âme ne peut vivre que d’admiration ». Et c’est ce besoin d’admiration, qui est la

preuve de Dieu. « Lorsque l’homme n’admire pas, il est vide et nul ; il est comme plongé dans un

sommeil épais et ténébreux ». La Cabale nomme ce monde « le monde de la Séparation »... Mais

qu’un homme pose en lui-même la résolution d’une autre Séparation, d’un Sacrifice, il affirme

Dieu : il se force à être libre, il opère l’acte sauveur. Et ce que Saint-Martin appelait avec son maître

la Réintégration, peut alors s’accomplir lentement. Ce sont des Pâques de lumière. Or toutes les

traditions

connaissent à côté du Yoga individuel cette sorte de Yoga cosmique où, par une Alchimie

sacrificielle, qui est dans la nature même des choses, un processus de Rédemption du Divin se

produit incessamment. Que l’homme le veuille ou non, il y collabore ; mais s’il ne participe point

rituellement ou consciemment à cette exaltation, il n’aura point de part à cette gloire. Car cet

univers n’a de réalité que parce qu’il exerce une fonction de miroir de l’Admirable. Si ce monde

n’est qu’une image, un Tableau Naturel, c’est une image vive, ce n’est pas un tableau mort. En

vérité le Modèle est encore vivant dans le Tableau.

Philippe LAVASTINE.

lundi 12 octobre 2015

La Rose+Croix d’Orient.



          Dans le Sacramentaire du Rose+Croix, monsieur Robert Ambelain écrit :

« En publiant une très grande partie du formulaire secret des Rose+Croix d’Orient, nous avons tout tenté de mettre aux mains de tous ceux que passionne le prestigieux plan de la Rose+Croix générale un véritable outils de travail.

 

          Il est bien évident que les Rose+Croix du XVIII éme siècle étaient profondément mystiques et chrétiens.

Adversaires du Catholicisme d’alors, (intolérant et impitoyable) ils étaient anticléricaux, et très proche du Protestantisme, l’anti occultisme mis à part.

Mais il est non moins évident que le terme même n’a plus guère d’écho aux seins des milieux qui se parent de nom, les « Rose+Croix » de la Franc-Maçonnerie ne sont pas toujours chrétiens, rarement occultistes et les « rosicruciens » modernes ont une orientation différente. Néanmoins

dimanche 11 octobre 2015

Source de l'ignorance


 




 " Comment se fait-il donc que les hommes l'aient méconnu, et qu'ils aient cru pouvoir marcher sans elle dans la connaissance de la Nature ? On en voit maintenant la raison. C'est qu'ils ont dénaturé les nombres qui constituent ces actions, comme ils ont dénaturé ceux qui constituent les Eléments ; car d'un côté, dans ce qui est trois, ils n'ont reconnu que deux : de l'autre, ils ont cru voir quatre, dans ce qui n'est que trois ; c'est-à-dire, qu'en considérant les deux actions passives des corps, ils ont perdu de vue la Cause active et intelli­gente, en sorte qu'ils ont assimilé et confon­du l'action et les facultés de cette cause avec celles des deux actions inférieures, comme ils ont assimilé la faculté passive des trois Eléments à la faculté active de l'air, qui est un des plus forts Principes de leur réaction. Dès lors ces nombres étant ainsi défigurés, les Observateurs n'ont plus aperçu le rapport qui se trouvait entre le ternaire des Eléments et le ternaire des actions qui opèrent la corporisation universelle et particulière.

 " Ce rapport leur ayant échappé, et étant ainsi devenu nul pour eux, ils n'ont plus senti la nécessité et la supériorité de cette action de la cause intelligente sur les deux actions inférieures qui servent de base à toute production corpo­relle ; ils ont pris les unes pour les autres, toutes ces causes et ses actions différentes, ou plutôt ils n'en ont fait qu'une.

 " Et comment auraient-ils pu se préserver de cette erreur, puisqu'ils avaient commencé par confondre la Matière avec le Principe de la Matière, et que donnant à cette Matière toutes les propriétés de son Principe, il ne leur en a pas coûté davantage de lui attribuer aussi toutes les propriétés et les actions des Causes supérieures qui sont indispensablement nécessaires à son existence.

 " Mais on doit voir à présent, que méconnaître la puissance et la nécessité d'une troisième cause, c'est se priver du seul appui qui reste aux hommes pour expliquer la marche de la Nature ; c'est lui donner d'autres Lois que celles qu'elle a reçues ; c'est lui attribuer ce qui n'est pas en elle ; en un mot, c'est admettre, ce qui non seulement n'est pas vraisemblable, mais ce qui est hors de toute possibilité.

Extrait : des Erreurs et de la Vérité, Louis-Claude de Saint-Martin.

jeudi 8 octobre 2015

Soulever le voile d'Elias Artista

 


Après La Franc-maçonnerie comme voie d’éveil (2006) et Masque, manteau et silence, le

martinisme comme voie d’éveil (2008), Rémi Boyer signe le troisième et dernier volet de son

triptyque consacré à l’initiation occidentale : Soulever le Voile d’Elias Artista. La Rose-Croix

comme voie d’éveil. Une tradition orale, dans la collection « L’Esprit des Choses » des Editions


Rafael de Surtis (7, rue saint-Michel, 81170 Cordes-sur-Ciel).

Ce nouvel essai postule une « initiation au Jardin », propre à la Rose-Croix et distincte de

« l’initiation dans la Cité », à laquelle se rattacherait la franc-maçonnerie. J’ignore si cette

distinction a un sens au regard de l’histoire des sociétés, réputées rosicruciennes, depuis les

origines, d’ailleurs encore partiellement obscures, de la tradition rosicrucienne, alentour 1610.

J’ignore aussi si la Rose-Croix tient, comme l’écrit Rémi Boyer, à la conscience non-duelle, tandis

que d’autres formes d’initiations relèveraient plutôt, elles, d’une expérience duelle.

Mais la distinction originale, qui n’est d’ailleurs pas une opposition, posée par Rémi Boyer,

entre initiation dans la Cité et initiation au Jardin, dépasse le cadre d’une approche historique et

témoigne avant tout d’une expérience, à la fois personnelle et collective, en rapport avec un collège

interne : l’Ordo, fondé en 1992. Or, ce collège est en droit d’être considéré – j’en suis convaincu

sans y avoir jamais appartenu – comme incarnant une Rose-Croix que seul l’insaisissable Elias

Artista, l’ange tutélaire des rose-croix cher à Guaita, Sédir, Ambelain, est à même d’authentifier,

parce qu’il souffle sur qui il veut, quand et où il veut.

Du reste, depuis un certain après-midi passé au jardin du Luxembourg – je venais d’avoir 20

ans -, je sais aussi, d’expérience, que l’initiation au Jardin est une réalité, une initiation au Jardin qui

est, comme l’écrit Rémi Boyer « un art du tissage, du maillage, de la trame, de la créativité, de la

mutation et de la traversée des formes ».

Quant à la question de savoir ce qu’est la Rose-Croix, Rémi Boyer propose une réponse

documentée, non pas, encore une fois, en vertu de filiations historiques illusoires, mais en fonction

d’éléments et de traditions orales qui illustrent la permanence de certains courants, à rattacher à une

« Rose-Croix méditerranéenne » opérative, porteuse de certains arcanes d’une alchimie interne.

Lima de Freitas, qui veilla sur l’Ordo, comme du reste Robert Amadou de 1992 à 2002,

explore ensuite le mythe fondateur et le tombeau de Christian Rosenkreutz à la lumière de textes de

Fernando Pessoa. Enfin, l’ouvrage se clôt par un conte chevaleresque et alchimique : « les

Mémoires de Rossinante », qui offrent une lecture initiatique du Don Quichotte de Cervantès.


Ce nouveau livre de Rémi Boyer, étrange et mystérique, remplit bel et bien la promesse de

son titre, et c’est là l’essentiel, en se plaçant sous le patronage et en soulevant le voile d’Elias

Artista.

Serge Caillet

Le Martinisme et l’Eglise Primitive

 


Tout d’abord, le terme « Eglise Primitive » représente deux concepts,

totalement différents.

Le premier se veut historique et désigne une Eglise « pré-apostolique » qui

aurait existé. Mais comme ici n’est pas notre propos, vous pouvez cliquer sur

le lien ci-dessous au cas où vous voudriez en savoir un peu plus sur cette

notion :

Postulat Historique de l’existence de l’Eglise Primitive


La deuxième notion, et c’est celle-là qui ici nous intéresse, se réfère à l’Eglise

dite « Intérieure ».

Cette notion fait référence à la relation existante entre le Macrocosme et le

Microcosme, et qui peut être notamment illustrée par ces deux Principes bien

connus :

« Tout ce qui est en Haut est comme Tout ce qui est en Bas.»

« Dieu a créé l’Homme à Son Image. »



« L’entrée » dans cette Eglise relève de notre propre volonté. Nous pouvons

toutes et tous entrer dans notre propre Temple Intérieur, dans notre propre

Eglise par l’Oraison. Pour cela, on ne se limitera pas à réciter un Texte de

Prière déjà existant, mais on s’appliquera à parler, à prier avec notre Coeur,

que ce soit de manière orale ou par le biais d’une méditation silencieuse.

C’est en effet en établissement un dialogue avec notre Moi Intérieur que nous

pourrons ensuite dialoguer avec le Divin.

« Aide-toi et le Ciel t’aidera ».



La pratique d’Oraisons régulières (par exemple quotidiennes), couplée avec

une profonde observation du Monde, peut mener l’individu à un état très

particulier dans lequel des Vérités se révéleront d’elles-mêmes à

l’individu. C’est ce que l’on nomme l’Etat d’Illumination.





« Connais-toi et tu connaîtras les Dieux ».



Cette technique peut sembler bien trop simple, voire simpliste aux yeux de

certains, et pourtant, elle est vraiment très efficace pour celui ou celle qui s’y

adonne avec tout son Coeur, avec toute sa dévotion.

De ce fait, le rapprochement entre la Pensée Martinéziste-Martiniste est réel,

puisque Martinez de Pasqually conseillait des méthodes semblables,

méthodes sur lesquelles insista beaucoup Louis-Claude de Saint-Martin dans

son OEuvre, si bien que l’on peut parler de« Prière Saint-Martinienne ».




L’Oraison, menant à l’Eglise Intérieure, fait partie intégrante et primordiale

de la Vie Initiatique et Spirituelle de tout Martiniste, qu’il soit indépendant ou

membre d’un Ordre.


Toutefois, la notion spirituelle de l’Eglise Primitive n’est pas l’apanage

exclusif de la Mouvance Martinéziste et/ou Martiniste. Cette Voie Intérieure

étant, au même titre que la Voie Cardiaque, ouverte à tous les Êtres en quête

de Lumière.

Pour terminer, notons également que de grands auteurs Illuministes tels que

Jacob Böhme ou encore Helena Blavatsky accordent également une place

prépondérante à l’Eglise Primitive dans leurs OEuvres respectives.

Si le Martinisme peut être rattaché à l’Eglise Primitive, il n’est en aucun cas la

seule manifestation de celle-ci.


L'Ordre des Frères Aînés de la Rose-Croix (F.A.R+C.)

L'Ordre des Frères Aînés de la Rose-Croix (F.A.R+C.) est un sujet qui a surtout été abordé par des auteurs liés à l'...